Un seul être vous manque et tout est dépeuplé | ft. Lily

Plongée dans un bouquin l’année à peine entamée - pour ne pas dire pas du tout -, la jeune femme était confortablement adossée dans un des fauteuils de velour rouge de leur salle commune, le feux dansant non loin de ses pieds alors que les températures étaient encore clémentes. Lily avait toujours pris un plaisir indescriptible à s’installer dans cette pièce et se laisser bercer par le crépitement des flammes rougeoyantes tandis qu’elle étendait ses jambes et calait son dos frêle dans les épais coussins confortables, un livre ou deux pour lui tenir compagnie. C’était d’autant plus parfait qu’en cette première matinée, le calme régnait et personne n’avait encore osé le briser. Aucune aventure ou romance pour la transporter en ce jour mais bien les diverses formules de métamorphose qu’ils allaient pouvoir mettre en œuvre au cours des prochains mois. Comme toujours, elle s’était avancée dans sa lecture et le marque page qui trônait au trois-quart de l’ouvrage en attestait dignement, d’autres déjà terminés comme celui de potions qu’elle avait dévoré. Elle n’avait de toute évidence pas eu beaucoup de loisirs ces derniers mois, s’ennuyant cruellement dans la demeure familiale ou pire, se sentant parfois misérable. Au vu de ce qu’il s’était passé l’année passée, elle n’avait pas revu Severus et s’était même formellement interdit de le contacter, refusant catégoriquement de parler à quelqu’un à qui elle avait tant donné et qui avait été très clair et imagé sur ce qu’il pensait d’elle et de sa condition. La douce n’avait pas plus passé de temps avec sa sœur Pétunia, celle-ci plus virulente encore qu’à sa dernière venue, ne lui adressant regards ou mots aigres que pour la rabaisser. L’ambiance n’avait donc pas été des plus joyeuses et si ses parents tentaient d’y ajouter un peu de tendresse, elle avait préféré passer le plus clair de son temps seule dans sa chambre ou à courir les champs, ne les forçant nullement à choisir un camp. Autant ne pas envenimer la situation plus qu’elle ne l’était. La Gryffondor avait donc eu tout le loisir de se documenter et était bien aise de son avance désormais qu’elle arpentait les murs du château qui lui avait tant manqué. Qu’importait les derniers souvenirs qui avaient fait de ses jades des rivières, elle ne comptait pas ainsi gâcher son humeur ou tous les moments qu’elle pourrait partager.

C’était sans compter sur l’arrivée tonitruante de ce cher James et son allure de conquérant qui la héla à la volée en l’affublant d’un surnom qui la fit grimacer. Hésitant à simplement l’ignorer, elle n’eut de toute évidence pas le temps de lui répondre que déjà il enchaînait, parlant étrangement de lui et… Lui. On ne refaisait pas une équipe qui gagne comme qui dirait ! Son humeur désormais irrémédiablement ternie, c’est sèchement qu’elle referma l’ouvrage de savoir après y avoir délicatement calé son marque page. « Ne peux-tu donc baisser d’un ton ? Certains sont occupés et je te ferais remarquer que tu n’es pas seul. » Encore moins chez lui, mais elle avait déjà abandonné ce combat. Désormais face à lui, ses prunelles s’attardèrent à contre cœur sur sa personne, ses sourcils se fronçant devant sa tenue et soupirant, visiblement agacée. « Les douches sont-elles cassées ou ne vois-tu donc aucun inconvénient à venir salir les tapis de notre salle commune avec tes gros pieds terreux ? » Sans compter le reste. Et le voilà qui se recoiffait encore avec cette allure narcissique qui la rebutait ! Ne pouvait-il donc se comporter comme tout le monde juste deux minutes ? « Mes vacances étaient bien mornes, en partie grâce à toi », ne pouvait-elle s’empêcher de lui envoyer, « et non je n’en savais rien. » En fait, elle s’en moquait comme de sa personne, bien décidée à l’éviter au possible cette année. « C’était donc ça que tu voulais et qui méritait tout ce tapage ? Des félicitations ? » Évidemment, quoi d’autre venant de James Potter ? « Et bien dans ce cas je vais te décevoir, je crains que McGonagall ne se soit pour une fois lourdement trompée. » La rouquine ne savait de ce fait décemment pas ce qui lui était passé par la tête pour lui donner une telle responsabilité. Sans doute son talent, mais elle ne pouvait en attester puisqu’elle se refusait à trop le regarder sur le terrain, laissant ce loisir malsain à sa horde de groupies en rut. Elle allait se lever et le laisser à terre en bon vaincu mais fit marche arrière au dernier moment, ayant oublié une information. « Ah et… Mon nom c’est Lily. Ni plus, ni moins. Cesse de lui affubler des sobriquets qui ne plaisent qu’à toi, nous ne sommes pas proches. » Aujourd’hui comme jamais.

Déjà lasse de cette altercation forcée, fuyant le jeune homme comme la peste mais le retrouvant toujours glué à ses basques par elle ne savait quel sortilège, ce dernier avait le culot d’en plus lever les yeux au ciel alors même qu’il était celui venu la chercher. De quel droit James Potter ne se croyait-il donc pas pourvu, se moquant aussi bien des autres qu’elle-même et croyant bon pouvoir faire ce qu’il lui plaisait tant il était au dessus ! Son attitude je-m’en-foutiste et la nonchalance peinte dans son regard brun avait le don de la rebuter encore plus si cela était possible, ayant la juste impression de passer un savon à un gamin qui n’aurait retenu que ce qu’il avait jugé bon. Comment voulait-on ensuite qu’elle espère communiquer avec cette énergumène ? Ni le bruit, ni la saleté ne le firent réagir, pas plus que ses vacances gâchées, seul le Quidditch sembla marquer un point, touché de plein fouet dans son égo de mâle gargantuesque. Notant qu’il serrait les dents mais ne pipait mot, elle profita de cet instant de répit pour s’en aller vaquer à une meilleure occupation, revenant pourtant sur ses pas afin de mettre un dernier point sur les i.

Quelle ne fut pas son erreur !! A l’ébauche de son sourire vainqueur où la malice pointait un peu trop, la belle fit un pas en arrière, sentant venir le coup fourré à plein nez. Il n’était jamais bon de le voir ainsi sûr de lui, surtout lorsqu’il affichait pareille mine réjouie, incapable de prévoir son coup mais sachant pertinemment qu’elle n’allait pas aimer. Passant outre la remarque sur la bonne humeur - bien qu’elle en fut d’excellente à dire vrai avant qu’il ne vienne tout gâcher -, elle plissa les yeux suspicieuse lorsqu’elle l’entendit déclamer que s’ils n’étaient pas proches, ce n’était pas de sa faute. Ce à quoi elle aurait bien volontiers rétorqué que ce n’était pas de la sienne non plus s’il lui sortait par les deux yeux, se retenant néanmoins de mettre encore de l’huile sur le feu, ce dernier renchérissant de plus belle. Et ce fut le mot de trop, grimaçant à en serrer les dents tant la drague était lourde et écœurante, faisant un pas de plus en arrière. Intérieurement, elle se demandait réellement ce qu’on pouvait lui trouver de si charmant, en manquant à son avis cruellement mais… Tout portait à croire qu’il en fallait pour tous les goûts ! En ce qui la concernait, c’était plus l’envie de fuir qui prônait, laissant de bon cœur la proximité à une autre. Mais il semblait clairement aveugle à ses signaux, osant par la suite revenir sur ses vacances gâchées car solitaires et loin d’un ancien ami cher, pour en remettre une couche. Si la douce avait toujours adoré lire, elle se passerait volontiers que sa plume vienne comme qui dirait la sortir de l’ennui, préférant encore se farcir tout le bouquin d’histoire de la magie.

Elle n’eut cependant pas le temps de lui envoyer dans les dents qu’elle assistait effarée à ce qui s’avérait être un nouveau foutage de gueule, d’un tout autre niveau. Ses émeraudes vissées sur ses chaussures toutes crottées qu’il enlevait à la volée, salissant au passage un peu plus le tapis, ce fut le ton qu’il employa qui la crispa d’autant plus, ne pouvant souffrir qu’il s’asseoit à ce point sur le respect. Ses préférences faisaient-elles donc lois et lui donnaient-elles le droit de faire ce qu’il lui plaisait ? Pire encore, la propreté des lieux, travail fastidieux des elfes, et son insigne de préfète étaient-ils à ce point risibles ? Ses poings se fermèrent rageusement, les ongles limés s’enfonçant durement dans la chaire et elle ouvrit la bouche pour le souffler lorsqu’elle le vit enlever son t-shirt. « Non mais ça va pas ?! » Cri tout droit sorti du cœur, l’insolence du short sifflant à ses oreilles alors qu’elle frappait son bras jouant avec l’élastique de son gros bouquin, elle s’avança vers lui, le menaçant en le pointant avec la pointe de son grimoire, la dureté de ses émeraudes le transperçant. « Ça t'amuse ? Tu te crois drôle ? » Visiblement oui, et il fallait avouer que c’était vraiment hilarant, Lily se prenant à rire jaune et se passant comme il le faisait si souvent une main dans les cheveux, tentant de reprendre son calme. « Pour certaines », et elle montra d’un coup de tête une plus âgée qui ne se privait pas de regarder, « c’est apparemment très plaisant et sans doute que cela émousse tes hormones de mâle en manque d’attention d’ainsi pouvoir te pavaner en faisant fit de la pudeur mais en ce qui me concerne, je trouve cela scandaleux. » Elle n’avait à dire vrai même pas regardé, se refusant à poser les yeux sur ce qu’il exhibait fièrement, croyant sûrement être irrésistible. « Si c’est cette proximité que tu recherches puisque visiblement tu as un attrait pour la chaire, je te prie d’aller la trouver auprès d’une autre ! Elle ne se fera pas prier et je pourrais enfin goûter au calme. Maintenant je te prierais de déguerpir pour te doucher ou que sais-je avant que McGonagall ne t’y traîne par le caleçon ! Ah il est beau notre capitaine ! » L’année venait à peine de commencer et elle sortait déjà de ses gonds.

Sans doute l’aurait-elle frappé un peu plus s’il ne l’avait arrêtée dans son mouvement, n’étant pas chétive mais ne pouvant décemment rivaliser avec la force d’un joueur de Quidditch aguerri, cela ne l’empêcha pas de le menacer juste derrière, n’ayant en rien perdu de sa splendeur ni de sa fougue. Tout portait à croire aussi qu’il ne cessait d’allumer cette dernière, jouant sur ses points sensibles et lui sortant des absurdités telles qu’il lui était difficile de garder patience. Elle avait essayé, oui, les premières années. Cela faisait bien longtemps qu’elle avait arrêté, la méthode inefficace. La jeune femme ne saurait cependant dire avec véracité si celle-ci était plus valable. Probablement pas. Mais elle la défoulait.

Il avait raison, elle n’aurait pas dû le frapper avec un livre, mais pas parce qu’il ne le méritait pas. Parce que le livre ne méritait pas ça. S’il n’était qu’un manuel de cours, elle le chérissait comme n’importe quel autre ouvrage et prenait un soin tout particulier à en conserver l’aspect neuf, pour qu’à la fin de l’année il rejoigne sa bibliothèque. Pauvre enfant, il aurait bien souffert avec pour bourreau James Potter mais elle le rafistolerait au besoin. Pour l’heure, il y en avait un qui devait être remis à sa place et elle employait pour cette tâche toutes ses forces, peu désireuse de s’incliner comme la veille avec cette foutue bataille de boulettes. Il ne voulait pas la respecter ? Très bien, c’était son problème, mais qu’il ne se montre pas alors devant elle. Qu’il ne soit pas hilare alors qu’elle était tout sauf amusée et qu’il ne s’ose pas à lever encore une fois les yeux au ciel. Et surtout, qu’il remballe ce sourire autant que son corps et lui fiche la paix !

Sa remontrance à peine terminée, le voir ainsi goguenard ne présageait décidément rien de bon, pas plus lorsqu’il prit à son tour la parole, non pour s’excuser mais… Pour se faire mousser ??? A quel moment… Sous quelle drogue avait-il pu comprendre pareillement ses mots ?! Elle était totalement abasourdie et désarçonnée par son assurance insolente qui frisait l’idiotie. « C’est tout ce que tu retiens ? » Profondément soufflée, elle ne pensa même pas à démentir l’étalage de sa beauté, trop habituée peut-être à ce qu’il la loue ou se disant qu’au fond, il ne l’écouterait pas. Ses paroles semblaient être passées dans l’oreille d’un sourd et le pire restait à venir, cet instant de bug l’ayant laissée à sa merci, se retrouvant attirée d’un coup sec vers lui, ses orbes retombant par inadvertance sur son torse avant que le livre n’en vienne dieu merci camoufler la vision. Ses doigts néanmoins, n’avaient eu pareille chance, coincés entre la couverture et la chaleur de sa peau humide. Les battements de son cœur commencèrent à s’affoler sans qu’elle ne puisse les contrôler, l’esprit encore bien trop pur pour pareil homme et une légère rougeur vint maculer ses joues, jouant un instant de faiblesse et s’en retrouvant muette. C’était sans compter le coup fatal. « M’embrasser ? » Un instant, elle papillonna des cils, comme pour vérifier qu’elle était bien éveillée et qu’il ne s’agissait pas là d'un mauvais rêve. Il s’agissait malheureusement de la réalité, ses émeraudes venant se planter dans ses noisettes avec une profondeur indéchiffrable, rapprochant son visage du sien lentement avant d’articuler distinctement. « J-a-m-a-i-s. » Le livre libéré d’un coup sec claqua contre son ventre une fois puis contre son bras une seconde avant d’être maîtrisé, la rouquine devenue furie prête à l’envoyer jusque dans les douches à coups de savate s’il le fallait. « Magnanime ? Incroyable ? Qui décris-tu, j’aimerai bien le savoir ! Tu me veux ? Tu crois pouvoir m’embrasser ? Ca t’amuse d’ainsi jouer avec toutes les femmes ? Ne fais pas de tes rêves des réalités, je ne serais jamais tienne, ça je peux te l’assurer ! Continue donc de te faire mousser devant les autres, mets à jour ton tableau de conquêtes si ça te plait et goûte comme toujours à la popularité que tes beaux yeux t’offrent mais fiche moi la paix ! Tu as dit qu’un mot de ma part suffirait alors respecte au moins celui là et va te doucher !! » Essoufflée et rouge, les éclairs striant ses jades électrisées, elle pointa en direction de l’escalier avec fougue avant de faire un pas en arrière. « ...sans rien faire de plus ! » Puisqu’elle semblait jouer avec l’imprévisibilité, autant prendre ses précautions.

Un instant, elle avait bien cru jouer de faiblesse alors que les battements d’un myocarde traître ne lui appartenaient plus. Pour un simple bout de peau. Pour un regard à la franchise qu’elle avait cru désarmante l’espace de quelques secondes. Pour l’insolence d’un homme qui aimait à se montrer aux yeux de tous. Et elle en avait honte. Elle ne savait ce qu’il lui avait pris, ne voulait le savoir non plus, prétextant l’énervement comme perte de contrôle. C’était plus facile de s’énerver. Elle ne pouvait s’en empêcher non plus, représentant décidément tout ce qu’elle détestait le plus, ou du moins le croyant durement. Tout était trop facile pour lui, sans conséquence. Et même son amitié brisée, il ne s’en était pas plus inquiété. Alors l’aimer ? La bonne blague. Il aimait juste la difficulté. Il aimait les avoir toutes à ses pieds.

Le soupir qu’il poussa, elle aurait aimé le pousser aussi, profondément lasse alors qu’elle n’était qu’aux premières heures de sa première journée en ces murs. Elle haïssait le sort qui s’acharnait et la perspective qui se dessinait lentement mais sûrement pour cette année. Tout ce qu’elle espérait, c’était que ce simple souffle soit synonyme de reddition. Parce qu’elle ne voulait plus argumenter devant ce mur impénétrable qui n’entendait que ce qu’il voulait. Qui s’amusait de ses réactions et croyait bon de pouvoir la contrarier à foison. Son être s’apaisa lorsqu’elle le vit ramasser ses affaires, tenant un semblant de victoire alors qu’il baissait les armes, croisant les bras sévère, son livre toujours en main. « Je te dirais bien non mais tu n’y croirais pas. » Au contraire, plus elle le contredirait, plus il la croirait jalouse, son cerveau monté à l’envers. Elle s’abstint toutefois de répliquer préférer qu’il donne son attention à une autre justement, n’étant pas à ce point cruelle. Bien qu’elle ne sache s’il en souffrirait vraiment.

C’est presque la surprise qui macula ses traits tandis qu’il disait la respecter et promettait à sa façon de ne rien faire. Si la scène ne s’était pas jouée sous ses yeux, elle n’y aurait cru. Elle en resta d’ailleurs muette un quart de seconde, hésitant à le remercier avant de se rappeler que ce n’était que chose normale de ne pas la forcer. Alors elle se contenta de le regarder filer, se crispant lorsqu’il fit demi tour, imaginant déjà qu’il changeait d’avis. Mais il ne fit que lui lancer une dernière mièvrerie, ouvrant la bouche pour la refermer aussi sec. Elle aurait pu dire qu’elle n’était pas celle qui trouvait ses yeux beaux, mais à bien y réfléchir, à bien le regarder même, ce qu’elle semblait faire pour la première fois, ce serait sans doute un mensonge. Lily n’était juste pas de celles qui tomberaient pour ça. Et il le savait bien.